Macroéconomie : vers un atterrissage brutal ou en douceur ?

Préparer votre avenir Actualités Investir – 23 août 2023

Après l'année 2022 pour le moins turbulente, l'année 2023 a été annoncée comme celle d’un retour à la normalité sur les marchés. Une promesse qui s'est jusqu'ici réalisée en grande partie. Les actions ont connu un excellent premier semestre et les obligations, lourdement affectées pendant la crise, ont pu récupérer une partie des pertes essuyées.

La baisse très lente de l'inflation sous-jacente reste une préoccupation majeure

macro-économie
Si la probabilité d'un atterrissage en douceur augmente aux États-Unis, elle diminue en Europe.

Alors que l'année 2022 était placée sous le signe de l'inflation galopante et de la réaction brutale des banques centrales, qui ont dû relever sensiblement le taux directeur, l'inflation a atteint un pic cette année pour finir par s'essouffler à un rythme soutenu. L'incertitude concernant la politique de taux d'intérêt, qui a causé tant de dommages sur les marchés des actions et des obligations, a progressivement cédé la place à une plus grande prévisibilité et à l'espoir que le pic de taux était imminent. Une chose est sûre : les investisseurs n'aiment vraiment pas les hausses d'intérêt.

Les derniers chiffres de l'inflation aux États-Unis (+ 3 %) et dans la zone euro (+ 5,3 %) montrent une image encourageante de l'évolution des prix, mais comme d'habitude, le diable se cache dans les détails. Il existe autant de mesures de l'inflation qu'il y a de goûts de chips, mais pour les économistes, deux sont importants : l'inflation générale, qui mesure l'augmentation d'un panier de produits et services, et l'inflation sous-jacente (ou inflation de base), qui exclut les prix très volatils de l'énergie et des produits alimentaires non transformés. Cette inflation sous-jacente donnerait une meilleure image de la façon dont la ‘vraie’ inflation s'est établie dans l'économie, indépendamment des effets saisonniers.

Si les banques centrales s'intéressent généralement peu à l'inflation générale, elles portent un grand intérêt à l'inflation sous-jacente. Et c'est précisément là que le bât blesse, car cette dernière baisse très lentement, à une cadence nettement moins rapide que l'inflation générale. À cela s'ajoute le fait que les prix du pétrole sont récemment repartis à la hausse et que les prix des matières premières rebondissent après avoir reculé. Voilà qui alimente la crainte que l'inflation générale commence elle aussi à grimper bientôt, certes à un niveau moins haut que le pic de l'automne dernier.

Le travail des banques centrales n'est donc pas tout à fait terminé, même si le taux directeur a été relevé en très peu de temps de 5,25 % aux États-Unis et de 4,25 % dans la zone euro. Cette situation continue de créer de la nervosité sur les marchés obligataires.

Les investisseurs s'interrogent : le taux élevé suffit-il à faire baisser l'inflation jusqu'à l'objectif des banques centrales (environ 2 %) ? Ou une récession est-elle nécessaire pour tordre le cou à ces derniers restes d'inflation tenaces ?

Le raisonnement est que l'inflation ne pourra vraiment disparaître que si la demande de biens et de services connaît un recul suffisamment important. Dans la pratique, un tel recul n'a lieu que lors d'une récession.

La réponse à cette question varie pour les deux grandes zones économiques.

Atterrissage en douceur aux États-Unis

Aux États-Unis, l'attente générale était que la récession était imminente. Cette contraction de l'économie dissiperait la tension sur le marché du travail. Aux États-Unis, c’est un taux d'emploi presque total qui prévaut, si bien que les salaires augmentent et que les dépenses des consommateurs restent élevées. Un tel scénario briserait donc le cercle vicieux de l'inflation. La forte hausse des taux d'intérêt ferait office d'‘élément déclencheur’ de cette récession. Ce scénario est en outre totalement en phase avec les expériences historiques. Dans le passé, une hausse abrupte des taux à la suite d’une inflation élevée allait très souvent de pair avec une récession. Pourquoi en serait-il autrement cette fois ?

Eh bien, notamment parce que l'uppercut de l'inflation a été en partie alimenté par les mesures liées à la pandémie, ce qui rend les exemples historiques d'une inflation suivie d'une récession moins pertinents. Et parce que les banques centrales sont devenues meilleures et plus crédibles dans leur politique. Le marché du travail se porte à merveille. Et, enfin, parce que tant les consommateurs que les entreprises sont sortis de la crise du Covid en relativement bonne santé financière et qu'ils disposent de suffisamment de réserves pour absorber la hausse des taux.

Ces éléments, parmi d'autres, amènent bon nombre d'économistes à postuler un ‘atterrissage en douceur’ de l'économie américaine. On s'attend toujours à un recul de l'activité économique, principalement en raison de la baisse de consommation. Les Américains épargnent plus et les augmentations importantes des prix du passé récent contraignent de plus en plus de consommateurs à vivre selon leurs moyens. Mais ce recul économique ne devrait pas être très profond, compte tenu du marché du travail solide et des finances – en grande partie – saines du secteur privé.

Même si ce scénario paraît plausible, il s'agit d'une estimation concernant une évolution qui comporte encore beaucoup d'incertitudes. Malgré l'optimisme des investisseurs, une récession plus ‘brutale’ reste encore possible. La clé réside dans le délai dans lequel les hausses d'intérêt produiront leur plein impact sur l'économie. Les relèvements de taux effectués par une banque centrale ne sont pas un instrument de précision. Ils ont besoin de temps (jusqu'à environ 18 mois) pour produire pleinement leurs effets dans le système financier. Nous n'en sommes pas encore là. Une bonne partie de l'effet ralentisseur des hausses de taux se fait encore attendre et ne se fera sentir pleinement que le trimestre prochain. Les réserves financières constituées seront alors peut-être partiellement épuisées, si bien qu'il y aura moins de réserves pour encaisser le choc de taux. Mais il s'agit donc d'un scénario auquel le marché ne croit plus aujourd'hui.

Vers un atterrissage brutal en Europe ?

Si la probabilité d'un atterrissage en douceur augmente aux États-Unis, elle diminue en Europe. La dynamique inflationniste était, surtout au début, davantage stimulée par l'énergie qu'aux États-Unis. Notre marché du travail est structuré autrement : les augmentations salariales sont négociées collectivement dans la plupart des pays, et ne sont parfois effectives que longtemps après le pic de l'inflation (la majorité des pays n'ont pas d'indexation automatique des salaires comme en Belgique), de sorte que les coûts salariaux pour les entreprises augmentent de manière décalée. L'inflation reste donc aussi plus longtemps ‘en suspension’ dans l'économie. Il est dès lors à craindre que la Banque centrale européenne (BCE) doive durcir encore la politique de taux jusqu'à un point où elle porte vraiment atteinte à l'économie.

Une politique de taux plus stricte donc, qui privera encore plus l'économie d'oxygène, et ce dans une économie touchée en son cœur industriel. La crise énergétique de l'automne 2022 a entraîné un recul de l'activité industrielle qui est peut-être en partie permanent. À cela s'ajoute encore la ‘réouverture’ décevante de la Chine, sur laquelle tant d'espoirs étaient fondés. Le boost de croissance qui devait succéder à la disparition de la politique Covid-19 très stricte fin 2022 est bien là, mais il s'est avéré plus faible qu'espéré et semble surtout se manifester dans la consommation locale. Il crée peu de vagues sur lesquelles les autres économies peuvent surfer. Les conséquences se font notamment sentir en Allemagne, devenue au cours des dernières décennies fournisseur principal de machines (entre autres) pour l'industrie chinoise. La demande chinoise de voitures allemandes reste également en-deçà des estimations, maintenant que les constructeurs automobiles chinois connaissent eux-mêmes une forte croissance, notamment dans le segment des voitures électriques à prix démocratiques.

La zone euro se trouve donc dans une conjoncture plus difficile que les États-Unis. Les forces internes qui maintiennent l'inflation à un niveau élevé (la pénurie sur le marché du travail et les mécanismes salariaux qui alimentent la spirale de l'inflation) continuent de se heurter à des forces qui tirent l'inflation vers le bas (l'énergie, les goulets d'étranglement et les obstructions des chaînes d'approvisionnement et de production qui se dissolvent). Tout cela sur fond d'une économie visiblement au ralenti. La BCE doit jouer au funambule pour bien gérer cette situation sans porter atteinte à l'économie.

Quelles sont les implications pour les investisseurs ?

En raison des compromis difficiles que doit faire la banque centrale, en l'occurrence la BCE, l'évolution des taux conserve une part d'imprévisibilité. L'abaissement inattendu de la note de crédit américaine par l'agence de notation Fitch (de AAA, la plus haute notation possible, à AA+) a mis les investisseurs le nez sur les faits. La succession de crises de ces dernières années a laissé une montagne de dettes colossale à de nombreux pouvoirs publics. Maintenant que les taux d'intérêt augmentent, les charges d'intérêt de cette dette partent rapidement à la hausse. Pendant des années, les pouvoirs publics ont pu collecter pratiquement gratuitement de l'argent sur le marché. Mais cette époque est désormais révolue, et les détenteurs d'obligations exigent aujourd'hui dès lors une bonification plus importante pour compenser le risque de crédit accru.

Les préoccupations permanentes liées à l'inflation, l'incertitude concernant les finalités des banques centrales, la prise de conscience croissante relative au poids de la dette… Tout cela donne l'impression que les obligations sont à éviter. Or, rien n'est moins vrai. La bonification d'intérêt sur les obligations est aujourd'hui attrayante, ce qui en fait une source de revenus. Les obligations sont également une source de diversification face aux positions en actions dans le portefeuille.

Le principal élément qui a déterminé l'humeur sur les marchés des actions au cours des trois derniers semestres est la dynamique de l'inflation et des taux. Les surprises de l'inflation et les indices négatifs et positifs des banques centrales concernant la politique de taux, entre autres, ont déterminé l'humeur du marché. Depuis quelques mois, des événements liés à des entreprises ou secteurs individuels déterminent le marché. Songez par exemple à l'engouement autour de l'intelligence artificielle.

Les bourses ont réalisé un beau parcours. L'indice MSCI World a augmenté de 15,15 % cette année (chiffres au 31/07/2023, en euros). La bourse européenne, en recul, a elle aussi participé au rallye (MSCI EMU : + 18,25 %). Les pays émergents sont restés à la traîne sur la bourse mondiale, une piètre performance en grande partie imputable à la Chine. Ces chiffres forts sont dus à une revalorisation de la bourse. Les bénéfices d'exploitation n'ont pas augmenté dans la même mesure depuis longtemps et ont même globalement stagné. Les investisseurs sont donc disposés à payer plus pour le même bénéfice qu'il y a six mois. Une valorisation en hausse est un signe d'optimisme. Sur quoi cet optimisme est-il basé ? On s'attend à ce qu'après une évolution stable en 2023, les bénéfices d'exploitation augmentent fortement en 2024.

Cet optimisme est-il réaliste ? Oui, si l'économie fait un atterrissage en douceur. Dans ce scénario, le vent contraire des taux en hausse perdra peut-être en force, sans perturber significativement les facteurs favorables qui soutiennent le marché des actions. L'optimisme est nettement moins justifié en cas d'atterrissage brutal de l'économie. Les entreprises auront alors bien des difficultés à faire augmenter leur chiffre d'affaires et à maintenir leurs marges bénéficiaires à niveau. Cette incertitude appelle à la prudence et à une bonne répartition. Elle justifie le rôle que jouent les obligations dans le portefeuille.

Rédaction terminée le 09/08/2023.

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Attention : cet article ne constitue nullement un avis de placement au sens du droit financier.

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