Macroéconomie : espérer que l'inflation a atteint son pic et que l'hiver sera doux...

Préparer votre avenir Actualités Investir – 05 décembre 2022

La flambée inflationniste et le risque de ralentissement de la croissance continuent à focaliser l'attention d'investisseurs qui tentent avant tout de se faire une idée de la politique à venir des banques centrales. Et ces dernières font face à une tâche quasi impossible : il est presque acquis qu'une politique ferme de lutte contre l'inflation provoquera un brutal ralentissement de la croissance économique, alors qu'une politique visant avant tout à soutenir la croissance va simultanément alimenter l'inflation et la maintenir à un niveau élevé. Aujourd'hui, les grandes banques centrales (à l'exception de la Banque du Japon) jouent unanimement la carte de la lutte contre l'inflation. Les mois à venir seront ainsi placés sous le signe d'une grande question : combien de temps les banques centrales pourront-elles maintenir ce cap si la lutte contre l'inflation plombe sévèrement les résultats économiques ?

Économie américaine : le pic inflationniste est-il passé ?

macro-économie
La tension sur l’économie européenne n’augmentera réellement que les prochains mois et dépendra grandement de la rigueur de l’hiver et de son impact sur les réserves et les prix du gaz, et par conséquent l'inflation.

Aux Etats-Unis, l'inflation a atteint cet été un sommet (provisoire ?) avant de baisser pour le quatrième mois d'affilée à 7,7% en octobre par rapport à la même période, il y a un an. Cette tendance orientée à la baisse depuis plusieurs mois ne rassure cependant pas les marchés : même en baisse, l'inflation surpasse systématiquement les attentes et alimentent ainsi la crainte de voir la banque centrale américaine (la Fed) poursuivre plus longtemps qu'espéré, voire intensifier, sa politique de lutte contre l'inflation. Cette politique est relativement ferme : la Fed a déjà relevé son taux directeur à six reprises cette année, et les quatre dernières fois de 0,75%. Les taux directeurs s'établissent ainsi à 3,75-4,00%. En termes monétaires, ce sont des pas de géants, un rythme qui effraie les marchés. Qu'adviendra-t-il si la Fed poursuit impitoyablement sa politique jusqu'à ce que l'inflation soit à nouveau sous contrôle ? Ne risque-t-elle pas d'étouffer complètement l'activité économique ?

C'est la raison pour laquelle les chiffres de l'inflation d'octobre ont été accueillis avec soulagement. Non seulement, ils étaient inférieurs aux prévisions des économistes, mais l'inflation dite « de base » (un taux d'inflation dont sont filtrés les prix les plus volatiles, comme l'énergie et les denrées alimentaires saisonnières) a enfin baissé. Cette inflation de base, qui donne une meilleure idée de la tendance inflationniste à plus long terme, était en hausse depuis l'été – le mouvement inverse, donc, de l'inflation générale. Ce qui justifiait la politique stricte de la Fed. La rupture de cette tendance haussière, tant pour l'inflation générale que pour l'inflation de base, laisse ainsi un fragile espoir de voir la Fed adopter peu à peu une politique moins « agressive ». Le marché table à présent sur un pic des taux directeurs de 4,75 à 5,00% en 2023, même si ces prévisions restent sujettes à une grande incertitude.

Principal élément d'incertitude : la capacité de l'économie américaine à échapper à une récession. Il est certain que la croissance va ralentir. Pis encore : c'est précisément ce que recherche la Fed. L’une des principales mesures de lutte contre l'inflation consiste effectivement à freiner la consommation : consommation plus faible, demande plus faible, activité économique plus faible. Et ce mécanisme est déjà très clairement visible dans le secteur immobilier. Les hausses de taux de la Fed ont fait grimper en flèche les taux hypothécaires, ce qui a provoqué un ralentissement de l'activité dans le secteur de la construction. L'immobilier est un secteur très sensible aux taux, et donc l’un des premiers à ressentir les effets d’une politique monétaire restrictive. D'autres suivront.

La récession, si elle se confirme, sera sans doute légère. La robustesse des fondamentaux de l'économie américaine empêchera la politique de la Fed d'avoir des effets trop profonds. Le marché de l'emploi reste ainsi très performant, et la situation financière des ménages et des entreprises est beaucoup plus saine qu'elle ne l'était à la veille de récessions dans un passé récent.

Le 8 novembre dernier, les Américains se sont rendus aux urnes pour les élections de mi-mandat. Les résultats définitifs se feront encore attendre longtemps, mais les résultats provisoires indiquent que la « vague républicaine » attendue n’a pas déferlé, grâce à quoi le gouvernement Biden ne sera donc pas totalement paralysé. C’est important pour la politique intérieure et, notamment, pour les grands projets d’investissement qui sont sur la table du gouvernement, comme l’Inflation Reduction Act (écologisation de l’économie) et le Chips Act (développement de la capacité de production américaine de semi-conducteurs afin de réduire sa dépendance aux producteurs étrangers).

Zone euro : mieux qu'on ne le craignait, mais l'hiver arrive

L'Europe vit depuis plusieurs mois sous l'épée de Damoclès de la pénurie d'énergie qui risque de la frapper cet hiver. Les évolutions de ces derniers mois sont cependant positives. La Commission européenne avait imposé un objectif : des réserves européennes de gaz remplies à 80% au moins pour le 1er novembre. Avec 92%, il est largement atteint. En Allemagne, le pays qui a le plus à perdre de la fin des approvisionnements russes, le niveau des stocks atteint près de 100%. Ces réserves bien gonflées de gaz entraînent une baisse spectaculaire des prix du gaz par rapport aux niveaux atteints à la fin de l'été. On peut cependant craindre un retour de la volatilité sur le marché du gaz à mesure que les réserves constituées seront sollicitées cet hiver.

Parallèlement à la constitution de ces réserves de gaz, on a assisté à un net recul de la consommation, lequel s’explique par trois éléments. Tout d’abord, un automne inhabituellement clément, qui a permis aux consommateurs de rallumer leur chaudière plus tard qu’à l’accoutumée. Ensuite, de nombreux consommateurs ont anticipé la pénurie et volontairement réduit leur consommation de gaz. Enfin, de nombreux processus industriels à forte intensité énergétique ont été mis à l’arrêt ou réduits. La chimie de base, la production d’engrais artificiel et la métallurgie, entre autres, ont été lourdement touchées. Le tableau est donc mitigé. L’autodiscipline des consommateurs est encourageante, mais le moteur économique de la zone euro, l’industrie allemande, souffre.

En Europe, l’inflation est un phénomène principalement lié à l’énergie (la hausse des prix de l’énergie explique la moitié de l’inflation européenne, contre un sixième de l’inflation aux États-Unis). Pourtant, la forte baisse des prix de l’énergie de ces derniers mois n’a pas ralenti la hausse de l’inflation. Celle-ci a même continué à s’accélérer : l’inflation a ainsi atteint 10,6% en octobre. La politique de la BCE est moins efficace contre une inflation qui trouve son origine dans un choc de l’offre (d’énergie, mais aussi des matières premières et des denrées alimentaires), notamment en raison de la guerre en Ukraine. Même si une hausse des taux n’est pas une recette magique contre une inflation portée par l’énergie et la pénurie, la banque centrale n’a pas d’autre choix que de poursuivre sur la voie des relèvements de taux dans laquelle elle s’est engagée. Une banque centrale qui se fixe un objectif d’inflation d’« environ 2% à moyen terme » est en effet contrainte de mener une politique monétaire restrictive tant que l’inflation – quelle qu’en soit l’origine – reste galopante : il en va de sa crédibilité.

Pourtant, et par analogie aux États-Unis, les marchés commencent à entrevoir la fin du cycle de hausses des taux dans la zone euro. Pas tellement parce qu’ils attendent un ralentissement subit de l’inflation, mais parce qu’une récession paraît imminente en Europe. Les marchés tablent aujourd’hui sur un pic des taux de la BCE d’environ 2,5% au premier semestre 2023.

La plupart des observateurs pronostiquent également une récession – et les « indicateurs précurseurs » vont dans ce sens –, mais les chiffres bruts montrent une remarquable résilience. L’Allemagne, le pays potentiellement le plus menacé par la crise énergétique, voit ainsi son activité industrielle tenir le choc. La croissance du produit intérieur brut de la zone euro a surpris de façon positive au troisième trimestre. La résolution progressive des goulets d’étranglement et des problèmes d’approvisionnement qui affectent l’économie européenne n’y est sans doute pas étrangère. Mais la tension sur l’économie n’augmentera réellement que ces prochains mois et dépendra grandement, comme décrit plus haut, de la rigueur de l’hiver et de son impact sur les réserves et les prix du gaz.

Chine : l’espoir d’une réouverture rapide de l’économie s’envole

Le très attendu Congrès national du Parti communiste chinois s’est achevé. Comme on pouvait s’y attendre, le président Xi Jinping y a réaffirmé et renforcé sa mainmise sur l’appareil de l’État. Simultanément, le Congrès a confirmé que la Chine voyait le secteur privé comme la voie vers davantage de prospérité et l’enseignement et la technologie comme la voie vers le progrès. C’est à noter, car ces deux secteurs ont beaucoup souffert d’interventions publiques brutales et destructrices de valeur actionnariale ces dernières années. La confirmation de leur importance dans la future croissance chinoise semble suggérer que l’attitude répressive des autorités chinoises à l’encontre de ces secteurs touche à sa fin.

Les autorités chinoises ont également resserré la bride à la veille du Congrès, avec notamment une politique zéro covid extrêmement stricte. Cette politique zéro covid pèse sur l’activité économique (et par extension sur les exportations vers la Chine, qui a désormais moins besoin de matières premières, par exemple). L’espoir de voir les autorités chinoises relâcher quelque peu leur emprise après le Congrès s’est entre-temps envolé à la suite d’une nouvelle vague de foyers de covid qui ont notamment entraîné des confinements stricts dans la capitale Beijing. L’exaspération gagne peu à peu une population épuisée par près de trois ans de politique zéro covid extrêmement dure. De plus, les récentes mesures risquent une fois de plus d’hypothéquer le fragile redressement qui s’était dessiné dans l’activité industrielle. Le gouvernement accroît peu à peu son soutien budgétaire et monétaire, mais de telles interventions ne remplaceront jamais une reprise de l’activité économique normale. La contribution de la Chine à la croissance de l’économie mondiale reste ainsi en deçà des attentes.

Article rédigé le 25/11/2022.

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